C'est navrant ce manque d'inspiration et ces répartis qui frôlent le zéro absolu de la platitude quand on est amoureux! Lutèce le sait par expérience, chacun de ses essais pour courtiser une belle se sont soldées par un échec cuisant dans le passé. Comment peut on posséder l'esprit le plus brillant de ce siècle et se trouver si démuni quand il s'agit de conter fleurettes? Mais cet état de fait n'est pas une fatalité, il suffit d'affronter le problème calmement et de créer une nouvelle machine qui comblera cette anecdotique défaillance.

Lutèce s'attèle à la tâche avec entrain, trace des schémas, développe des algorithmes complexes pour créer l'ultime machine que tout cœur épris se doit de posséder : La machine à parler d'amour! Son utilisation est simple, il suffit de paramétrer différentes données d'entrées concernant le (la) soupirant(e) et l'être élu, puis, par le biais d'un discret appareillage auditif de répéter les mots que la machine aura sélectionné parmi les plus pertinents et les plus appropriés. Un Cyrano revisité en quelque sorte, en moins tragique et plus pratique.

N'écoutant que son courage, Lutèce part confiant et serein tester son invention auprès de sa nouvelle assistante, la délicieuse Natacha, beauté russe au regard bleu troublant. Il s'approche, arbore son plus beau sourire, appuie mine de rien sur l'interrupteur qui déclenche le mécanisme. L'écouteur crachote, puis les mots d'amours lui sont dictés à l'oreille très distinctement : cela fonctionne! Rassuré, il croise alors le regard de Natacha et là, noir total! Son sourire se fissure, se décompose, il balbutie quelques mots et retourne précipitamment à son laboratoire. Que c'est rageant!!! Il aurait été tellement plus judicieux de commencer par inventer la machine à vaincre la timidité!